Nul besoin de faire les présentations, nous avons eu tout l’été et le début de saison pour connaître l’effectif du Thunder version 2017-2018. Un roster « sexy » sur le papier, un public incroyable, un « front office » dans le futur, pourquoi le Thunder n’est-il pas à 41-0 alors ?
Bon, vous l’aurez compris, l’exagération est de mise dans l’introduction. Le cas du Thunder est un exemple parmi tant d’autres d’une tentative de réunion de plusieurs talents dans une seule équipe, ce qui fait que nous nous penchons sur ce cas avec plus d’attention. Après 42 matchs (oui bon ce n’est plus la moitié), que pouvons-nous dire de cette équipe ? Analyse.
Des résultats en dessous des espérances
Au sein d’une division « Northwest » plutôt homogène, OKC doit batailler avec Minnesota, Portland, Denver et Utah. L’avantage d’être en tête d’une division c’est pour le « tie breaker », dans le cas où deux équipes seraient à égalité au classement de conférence. Cependant, on prend aussi en compte le vainqueur des confrontations directes entre les équipes, et à ce jeu là, le Thunder est perdant. Trois défaites en quatre matchs contre Minnesota, deux défaites en autant de matchs contre Portland, les deux franchises qui sont devant au classement. Le match-up contre Denver est en statut quo pour le moment avec une victoire et une défaite, et c’est seulement contre le Jazz qu’OKC mène avec trois victoires en quatre matchs.
Si l’on s’attarde un peu sur le calendrier, on s’aperçoit de certaines incohérences. Bien évidemment, on ne peut pas juger une équipe sur des cas isolés de défaites contre des équipes jugées moins bonnes, mais lorsque c’est récurrent, on se pose quelques questions. Parmi les 20 défaites au compteur, on peut en trouver 8 contre des équipes avec un moins bon bilan que le Thunder. On peut citer Sacramento, Phoenix, Dallas (x2), New York, Brooklyn, Charlotte, et Orlando. Sur une saison de 82 matchs, on peut admettre que les variations de forme de certaines équipes peuvent expliquer ces échecs, mais nous ne sommes qu’à la moitié de la saison.
Néanmoins, trouvons du positif dans tout cela. Des victoires références, il y en a. Par exemple, cette victoire contre Golden State le 22 novembre dernier a fait énormément de bruit. Après deux déplacements ratés à San Antonio et la Nouvelle-Orléans, les joueurs sortent un match fantastique contre le champion en titre, au complet. C’est la seule victoire d’OKC en 6 matchs du 17 au 29 novembre. Rajoutons San Antonio, Houston, Toronto, Denver et Milwaukee à la liste, cela fait quand même de beaux trophées.
Le bilan actuel du Thunder est donc de 22 victoires pour 20 défaites. Cela fait d’eux les 6èmes à l’Ouest, derrière Golden State, Houston, San Antonio, Minnesota et Portland, devant Denver et New Orleans dans les places « playoffables ». Si l’on devait s’arrêter aujourd’hui, nous aurions un premier tour San Antonio/Oklahoma City avec l’avantage du terrain pour les Spurs. L’année dernière après 42 matchs, ils avaient gagné 25 matchs et encaissé 17 défaites.
Les statistiques parlent d’elles-mêmes
Si vous n’aimez pas les chiffres, sautez directement à la section suivante. Si vous êtes friands des analyses statistiques individuelles et collectives, vous êtes ici chez vous.
Abordons d’abord l’aspect collectif. Avec 104.4 pts par match de moyenne, l’équipe est classée 12ème au sein de la Ligue. Peu flatteur avec des joueurs de la trempe de Westbrook, George ou encore Anthony. Le « Big Three » est responsable directement de 60% de ces 104 points. Le pourcentage au tir est médiocre, seulement 45.3%, l’équipe est 19ème de la Ligue dans ce domaine. Les catégories dans lesquelles cette équipe excelle pour le moment sont les suivantes :
- Interceptions/match : 9.4 (1er de la Ligue)
- Rebonds offensifs/match : 11.8 (1er de la Ligue)
- Contres/match : 5 (6èmes de la Ligue)
- Rebonds/match : 43.9 (9ème de la Ligue)
Ces statistiques constituent un indicateur de ce que je vais démontrer par la suite. On va pousser l’analyse plus loin avec des statistiques encore plus poussées, les équipes adverses inscrivent en moyenne 101.6 points par match avec un pourcentage de 45% au tir (35% de loin). Ils provoquent 16.4 turnovers par match en moyenne avec un pourcentage de 15.2, les meilleurs de la Ligue à ce niveau là.
Auparavant réputée pour avoir des provocateurs de fautes dans ses rangs, cette nouvelle équipe a changé de profil. Est-ce les arbitres qui sont plus laxistes sur les contacts ou simplement un manque d’agressivité vers le panier ? Un savant mélange des deux, mais la balance penche quand même davantage vers l’attaque du cercle. 10ème de la Ligue au nombre de lancers francs effectués (22.1/match), le problème se situe principalement au niveau de l’adresse : 29ème de la Ligue en pourcentage de lancers francs mis (70,9%).
Parlons des statistiques individuelles maintenant. Il est vrai que sortir d’une saison en triple-double donne beaucoup d’attentes pour la suite. Si l’effectif n’avait pas changé, notre ami Russell aurait sûrement remis le couvert, mais désormais il faut laisser des phases entières avec Paul George en chef d’orchestre ou Melo en isolation. On reviendra là-dessus plus tard. Voici les stats individuelles du roster d’OKC :
Dans ce tableau, il est nécessaire de dégager les informations (que nous trouvons) pertinentes :
- Melo prend presque autant de shoots en moyenne que PG
- La répartition du scoring est très déséquilibrée
- Un nombre de minutes très faible pour Patrick Patterson
- Russell Westbrook tourne encore presque en triple-double
Pour conclure ce chapitre intitulé « Les statistiques parlent d’elles-mêmes », nous avons essayé tant bien que mal de pointer du doigt les tendances de cette équipe. Il est clair que Billy Donovan a mis un point d’honneur pour que son équipe défende. Logiquement, quand on défend beaucoup, l’attaque prend un coup dans l’aile. Faire défendre Melo, c’est une tâche difficile, tant le joueur adore se régaler en attaque. C’est peut être ça le problème, demander à un joueur sur qui tout reposait en attaque auparavant de prendre moins de tir, d’être plus passif et à côté d’être très présent en défense n’est pas chose facile. Et ça, dans les phases de jeu, cela se ressent.
Sortez vos plaquettes !
Avec les moyens de BeIn Sports par exemple, vous auriez eu le droit à une vidéo en mode palette numérique. Ici, on se contentera d’analyser brièvement le jeu du Thunder.
Premièrement, ne passons pas par quatre chemins : nous sommes tous sceptiques quant à la compatibilité des jeux de Westbrook, George et Anthony. Les trades effectués par Presti sont géniaux. Oladipo et Sabonis sont en plein développement et font énormément de bien aux Pacers, Kanter s’éclate dans la Big Apple, et l’apport de deux All-Star pour le Thunder est un vrai plus. Pourtant, les phases d’attaque manquent de rythme et de vitesse. Quels sont les facteurs qui expliquent ce phénomène ? Tout d’abord, le jeu atypique de Melo qui a joué toutes ces années en NBA avec les projecteurs braqués sur lui. Le Melo de New York abusait des isolations sans que personne ne lui dise quoi que ce soit. D’après les déclarations dans la presse en début de saison, cela devait changer. Cela doit toujours changer. Le Melo que l’on attend ne doit pas être un simple shooteur lambda, mais ne doit pas continuer ses isolations à outrance. Cela ralentit le jeu, laisse ses coéquipiers en mode observation, bref rien n’est bon dans ce sens. Avec un duo Westbrook-George explosif et un Adams efficace, les solutions ne devrait pas manquer. A 33 ans, le Melo de Denver qui dunkait sur tout le monde et qui plantait des fade aways dans tous les sens a disparu.
Ce n’est pas uniquement à cause de lui que le Thunder peine. On peut accuser notre ami Russell Westbrook de rester trop « passif » lorsqu’il confie la balle à l’un de ses coéquipiers. On ne voit aucune coupe vers le panier, pas de course vers le corner ou à l’opposé de la balle, pas d’écran non porteur pour déstabiliser la défense dans une éventualité de renversement. Simplement, il fait la statue. Des fois même juste à côté du porteur de balle, comme un enfant dans la catégorie Poussin qui ne sait pas où se mettre. Lui aussi sort d’une saison pendant laquelle il fut l’homme à tout faire, le seul All-Star de son équipe, celui qui les a emmené en playoffs contre toute attente. Sa saison de MVP quoi. Il semblerait que son omniprésence sur le terrain soit en fait un atout considérable pour son équipe :
The #Thunder are 10-4 when Russell Westbrook has a triple-double and 12-15 when he doesn’t. Last year it was 33-9 when he had one and 14-26 when he didn’t pic.twitter.com/SqsbqKBZKE
— Basketball Reference (@bball_ref) 10 janvier 2018
Ce genre de statistique prouve qu’il est important d’établir une hiérarchie légitime sur le terrain. On ne dit pas que Westbrook doit prendre 50 tirs et laisser les restes. Mais céder le lancement d’une attaque à Paul George ne doit pas être systématique. On sait que l’ailier est excellent balle en main, a des facilités pour le pick and roll, mais Russell c’est le patron. Si l’attaque doit passer par cette phase de jeu, cela ne doit pas être simplement parce que c’est une évidence, mais bien parce que Chef Westbrook l’annonce en tant que chef d’orchestre. Afin de bien synchroniser tout le monde sur ce qu’il va se passer et de se préparer à éventuellement recevoir le ballon ou foncer au rebond.
Autre phénomène assez révélateur, la place d’Andre Roberson dans les plans de jeu. Très très important dans la rigueur et l’organisation défensive du groupe, il a beaucoup de lacunes en attaque. C’est un joueur qui a des capacités athlétiques notables, qui vient souvent perturber les relances après un rebond défensif de l’équipe adverse. Très présent aussi dans les prises d’intervalle, il n’est pas considéré comme une menace extérieure par les adversaires. Cela se traduit par des prises à deux sur les stars, ce qui laisse le pauvre Roberson seul dans son coin. Lorsqu’il reçoit la passe, la logique voudrait qu’il prenne son tir dans un fauteuil, sans opposition. A ce niveau là, le bougre n’est vraiment pas adroit. Du coup, il rentre dans une raquette bondée, comme à l’heure de pointe dans le métro parisien.
Dernier point très important à aborder, le coaching. On ne va pas commencer à démonter un coach NBA sophomore gratuitement, mais on soulignera quelques incohérences et autres détails importants. Tout d’abord, l’utilisation des « role players ». Avec un banc composé de Raymond Felton, Alex Abrines, Josh Huestis, Jeremi Grant, Patrick Patterson, Terrance Ferguson, Kyle Singler, Dakari Johnson & Nick Collison (le meilleur pour la fin), la répartition des minutes est, selon nous, incorrecte. Surtout pour le cas Patterson, qui mérite de jouer plus. Un poste 4 de 28 ans qui sait tirer derrière l’arc et qui sait défendre ne doit pas jouer que 14 minutes par match. Il représente exactement ce que l’on doit attendre de Melo en titulaire. Evidemment, cela inclut de baisser les minutes de certains joueurs, comme Melo par exemple (décidément). A 33 ans, jouer 32.8 minutes par match sans s’appeler LeBron n’est pas conseillé. En dehors du fait que cela prive certains joueurs de s’exprimer davantage, cela provoque un manque de lucidité chez le joueur des deux côtés du terrain.
Cette vidéo de BBALL BREAKDOWN vous illustre quelques phénomènes expliqués précédemment (pour les plus nuls en anglais, juste regardez, la palette est très bien faite) :
PS : la vidéo date du 9 décembre, mais pas grand chose n’a changé depuis.
Playoffs ? Pas playoffs ?
On a pas beaucoup parlé des blessures, qui est un paramètre très aléatoire qu’on ne peut pas prévoir (remember les saisons blanches de Westbrook et Durant à l’époque). Steven Adams a été écarté quelques matchs par ci par là en début de saison à cause d’une blessure, Andre Roberson manque en ce moment des matchs à cause de son genou, Alex Abrines revient à peine de blessure lui aussi. Cela va aussi jouer pour le reste de la saison.
En ce qui concerne le calendrier, entre le 20 janvier et le 24 février, parmi les 16 matchs, le Thunder affronte deux fois les finalistes NBA 2017. On compte aussi 10 matchs à l’extérieur, 9 matchs contre des équipes du top 8 des deux conférences. Le All-Star Break se situant entre le déplacement à Memphis le 14 février et celui à Sacramento le 22. En bref, la période qui arrive va être difficile. La question du titre est légèrement disproportionnée, mais quand un orage arrive, personne n’est à l’abri. Si le bilan d’OKC est toujours positif après ces 16 matchs, les dégâts auront été limités avec soin.
Le pronostic de la rédaction va dans le sens d’une qualification certaine en « post-season ». La partie désagréable réside dans le fait qu’ils ne feront sûrement pas partie du top 4, et donc pas d’avantage du terrain, et ce jusqu’à une hypothétique finale de conférence. Très hypothétique, parce qu’on est loin de la période « Thunder 2012 » actuellement.
Bref !
Beaucoup de points négatifs sont mis en avant dans cette analyse. Ne vous y trompez pas, il ne s’agit pas de démonter une équipe qui ne va pas très bien pour le simple fait de profiter du buzz que cette équipe provoque. On attend beaucoup de cette équipe, elle fait rêver pas mal de monde. L’adaptation ne se fait pas en un claquement de doigts, surtout quand toutes les caméras sont braquées sur vous. Et pas seulement pour le contenu du jeu, par rapport à beaucoup de questions qui restent sans réponses comme : où jouera Paul George la saison prochaine ? Va-t-il abandonner lui aussi Russell pour aller jouer chez lui à Los Angeles ? Quid de Melo ? Billy Donovan est-il vraiment fait pour ce job ? Pourquoi cela ne marche-t-il pas ? Les questions de la presse ne laissent pas indifférent, nous n’avons pas des hommes politiques qui se préparent tout le temps aux types de question. Cela peut trotter quelques temps dans la tête, laissant la place au doute.
Sources : ESPN.com ; Youtube.com ; Basketball-reference.com ; Twitter.com