Dear Gigi,
Depuis maintenant 24 heures, je n’arrive toujours pas à croire la tragédie qui est arrivée à notre légende, ton père Kobe Bean Bryant. Impossible de ressentir autre chose que de le peine. Pour preuve, je n’ai pu que fermer les yeux à 16 heures pour seulement 2 heures de sommeil, ne pensant qu’à Kobe Bryant. Les heures de mix de youtube sur sa mamba mentality, s’enchaîne à n’en pas finir, et je me surprends moi même à réciter les paroles de l’ancien numéro 24, avant que même lui les prononce. Car oui, ce sont des vidéos que je regarde sans cesse. Oui, je ne pense qu’à Kobe, une attitude très égoïste. Pourtant, j’envoie mes pensées à mes prières à ta maman Vanessa, ainsi qu’aux proches des 7 autres victimes et ressent beaucoup de tristesse. Difficile de mettre des mots, c’est même impossible de penser à comment vivre après avoir perdu des personnes si proches. Je m’étais promis de ne pas écrire de lettre à Kobe, car j’en parle toujours au présent, je n’arrive pas à y croire, je ne veux pas y croire, je veux me réveiller de ce cauchemar. Si je devais écrire une lettre au Mamba, cela deviendra acté, cela voudra dire que Kobe est bien parti or que je ne veux pas lui dire adieu, ce serait renoncé à beaucoup de choses. J’ai encore envie d’être cet adolescent par moment voyant ce numéro 8 shooter 40 fois par match ou ce jeune étudiant, devant le dernier match du numéro 24 avec ses 60 points. La NBA est une « compétition » à part. On n’est pas fan de NBA, on vit NBA. Certains ne comprendront pas mais pas besoin de te l’expliquer. Tu sais comment marcher la grande ligue, on se retrouve tous les soirs, comme une famille, on partage les rires, les peines, les disputes mais surtout un amour incommensurable.
Ce n’est pas seulement une lettre pour toi Gigi, cette lettre est aussi pour ceux et celles qui ne comprennent pas ce qui est en train de se passer. Ces milliers de fans devant le Staples Center, dans les rues de Los angeles, qui sont des gens normaux comme moi, comme vous, Comment une telle tragédie peut arriver ? Kobe Bryant était une partie de ma vie, 18 ans pour être exact. Même si traiter l’actualité du basket est mon boulot, j’ai parfois honte de rater des « choses » de la vie. Des soirées, des week-ends, des voyages, des vacances. Les « averages » font leur 8h – 17h et peuvent s’amuser. Ce n’est pas mon cas et j’ai parfois voulu changer de mode de vie mais dans les moments de doute, je me demande à quoi sert de vivre, si on ne le fait pas par passion ? Hier m’a rappelé pourquoi. Kobe disait souvent qu’il faut être la meilleure version de soi même. Pas donner le meilleur le lundi, le jeudi, le vendredi. Donner le meilleur tous les jours, vivre sans regret et contrôle ce qu’on peut contrôler. L’accident d’hier est un dur rappel à la réalité que tout peut s’enlever d’un claquement de doigts.
Je retiendrai plus de Kobe l’homme, que le joueur. Ce n’est pas une critique, bien au contraire, quand on parle de réussite, je n’ai jamais entendu quelqu’un parler mieux que Kobe, quand il s’agit d’évoquer la réussite. Je pourrais continuer de parler de Kobe encore et encore et encore, des centaines de lignes, de ses performances. Je ne retiendrai le meilleur enseignement qu’il m’a appris. La meilleure façon de réussir est d’échouer et de réessayer, pas de renoncer. Passé la « nuit », je ne cesse de penser à toi Gigi, alors qu’une longue destinée t’attendait, qui n’aurait peut être pas été plus grande que celle de ton père mais bien plus importante. En ce début de soirée, j’ai dans ma tête cette interview de Kobe Bryant sur le plateau d’Ellen DeGeneres où il évoquait la relève que tu étais censée devenir : « Pourquoi j’ai besoin d’un fils ? J’ai ma fille qui porte mon héritage. Elle m’a dit, ne t’inquiète pas je m’en occupe. » Et à ce moment on le voit visage de Bryant s’éclaircir, s’illuminer, ça en dit long sur la fierté du papa merveilleux qu’il était. Tu commençais seulement à effleurer la surface de ton immense potentiel. Qui aurait pu croire qu’à seulement 13 ans, tu serais déjà une championne ? On t’a vu pourtant grandir depuis maintenant quelques années. Tu n’en as jamais parlé mais je suis certain que le jour où tu as pris le basket au sérieux fut lors des fameux 60 points de Bryant pour son dernier match. Comme tous les enfants de joueurs NBA, ils traînent avec leur père pendant les matchs, depuis qu’ils savent marcher. Cela a été le cas pour toi mais les choses ont changé lors du farewell game, ton visage a changé et on a senti toute l’excitation d’une future basketteuse. Du genre, moi aussi je veux faire ça, ce que tu ne pourras pas faire au plus au niveau malheureusement.
Les années passèrent et « Papa » Kobe se dévoilait un peu plus avec des vidéos. Le basket était devenu sérieux à tes yeux. Tu n’étais plus la fille de Kobe, tu étais devenue une mamba. A la maison, il n’y avait pas de cadeau, à l’image de cette séquence où tu mets un coup de coude à ton père sur un jabstep. Kobe n’en revenait pas. Le monde non plus et pour la première fois, tous les fans de basket vont être d’accord. Tu seras la « Next », le chapitre devait s’écrire ainsi. Il ne faut pas se mentir, le monde est dur, encore plus dans le monde du sport, et les filles ne sont pas traitées à la même enseigne que les garçons. Les commentaires de mauvais goût, la misogynie, tout ça est encore présent alors que nous sommes en 2020. La route semble si longue, qu’on a besoin d’une guide pour ce monde qu’on juge encore trop préhistorique. On ne veut pas une évolution, on veut une révolution. Les pensées sont encore trop arrêtés, ce fut le cas, jusqu’à tu montres ton talent sur les réseaux. Mais à chaque vidéo de tes exploits, tout le monde n’avait qu’une hâte, de te voir jouer en WNBA et devenir la plus grande joueuse de l’histoire. Certains fantasmaient même de duels avec Bronny en NBA. De ton surnom Mambacita, donné par son père, elle était devenue à 13 ans, sans vraiment le vouloir, la nouvelle porte parole du basket féminin aux States. Les seuls commentaires désobligeants sur toi Gigi ? « Tu shootes comme ton père, fais la passe ils sont 3 sur toi. » Un défaut pour beaucoup, un putain de compliment quand on s’appelle Bryant. Tu étais celle qui sans dire un mot, laissait parler son jeu pour elle, comme son père, touchait tous les fans de basket par ses fadeways, ses crossovers et son regard assassin.
Et nous y voilà, la WNBA, ce qui devait être ton plus grand chapitre. Quelque chose qui me/nous touche d’autant plus puisqu’en France, les grands médias sur la WNBA n’existent pas vraiment, et que nous sommes les seuls à gérer ce championnat. Durant la saison régulière, on pouvait voir tes yeux s’illuminer à chaque fois que tu as l’occasion de rentrer dans les vestiaires des équipes et aussi cette envie d’apprendre. On oubliera pas ce moment avec Diana Taurasi, l’une des GOAT de la ligue, à qui tu demandais des conseils, alors qu’elle boxait dans la même catégorie que papa en terme de palmarès. Une impression de voir un rookie demandant des conseils à son vétéran. Un regard enjolivé mais pas impressionné. Kobe Bryant était le Michael Jordan de notre génération, Il était le plus humain de tous les héros et c’est ce qu’il le rendait aussi grand, il a réinventé le mot motivation. Une détermination sans faille. Le mot « match » n’existait pas, tous les jours étaient un match pour lui, donner le meilleur de soi était la seule victoire. On sait qu’il existe beaucoup de jeunes filles toutes aussi passionnées que le sont les garçons. On voulait que tu sois la Diana Taurasi ou la Maya Moore de la nouvelle génération. Celle qui permettrait d’inspirer mais celle qui pourrait aussi casser les barrières. Une légende ne se mesure pas à ses titres, ses trophées de MVP et tout ce qui s’en suit. Elle se mesure à l’inspiration qu’elle produit sur ses fans, sur le monde et tu aurais pu être celle-là.
Une lettre qui se devait d’être écrite car j’ai l’impression qu’on n’a pas seulement perdu une future grande basketteuse, mais une jeune personne qui aurait pu changer la donne pour énormément de personnes. On pouvait le voir sur le terrain, la passion, l’envie, l’envie de gagner. Aucune célébration après un shoot, aucun sourire, une Mamba dans l’âme et surtout un amour du jeu qui ne peut être mesuré. Cette terrible nouvelle remet les choses en perspective. On a beau en parlé aux basketteurs que nous côtoyons, nous avons beau voir les nouvelles à la télé, nous refusons d’y croire. Et puis il y a ce moment où tu sors un peu de ton monde. Un message de ma nièce, qui avait le même âge que toi, un message d’un frère qui avait pour idole, un message de tes amis d’enfance. Pour ma part j’ai vécu un deuil au début du mois, une jeune fille qui aimait le basket comme toi, qui avait des rêves comme toi mais je n’arrivais pas à extérioriser ma peine. Est-ce que tu as permis de m’exprimer ? Peut être. Entendre la peine des autres m’a peut être permis de partager la mienne et me sentir moins seul. Tu semblais liée avec Kobe et c’est ce que les gens retiendront le plus. Le monde te pleure et te pleurera longtemps mais aura tout de même cette joie que tu pourras toujours avec être ton père, pour l’éternité. Même si le deuil est encore loin d’être entamée, je me devais d’écrire cette lettre pour montrer au monde qu’on n’a pas seulement perdu quelqu’un de grand mais quelqu’un qui sera irremplaçable. La seule joie que j’ai est de savoir que tu es avec ton père et on est certains que les entraînements continueront avec Wilt Chamberlain et Drazen Petrovic. Once a Bryant, Always A Bryant, goodbye Gigi. Our queen, la Mamba Mentality ne mourra pas et on se battra pour nos rêves et ceux – celles qui n’ont pu réaliser les leurs :