Dans la nuit de mercredi à jeudi, Rajon Rondo a fait parler de lui en délivrant 25 passes dans la victoire des Pelicans. Une p*tain de performance qu’on voit rarement puisque c’est seulement la douzième fois qu’un gars passait cette barre. Par contre, il était encore loin du recordman ultime, Scott Skiles. 30 caviars en une nuit, ça fait cher l’addition.
30 décembre 1990. Il y a donc 27 ans presque jour pour jour, le Magic d’Orlando reçoit les Nuggets de Denver dans une affiche de routine de la NBA confrontant deux équipes de bas de classement. Aucune des deux ne disputera d’ailleurs les Playoffs. Rien ne laisse donc présager que près de trois décennies plus tard, cette rencontre reste dans les annales de la NBA, et est partie pour y rester encore pas mal de temps. C’était sans compter sur la générosité excessive dont a eu envie de faire preuve Scott Skiles ce soir-là.
Dans sa cinquième saison NBA cette année-là, le futur coach des Bulls ou du Magic notamment est un joueur lambda de NBA. Ses quatre premières saisons avec les Bucks et les Pacers n’ont pas cassé trois pattes à un canard, et il est venu chercher à Orlando un spot de titulaire. Cette saison 1990-1991 sera celle de la révélation pour le meneur qui est élu en fin de saison MIP. Normal vu que le gars a réussi à passer de 7,7 points et 4,8 passes à 17,2 points et 8,4 passes en profitant de la bonne grosse dizaine de minutes supplémentaires qui lui était allouée par match. A une époque où des p*tains d’icônes comme Magic Johnson, John Stockton, Isiah Thomas ou Tim Hardaway dominent le game, personne n’avait vu venir ce coup d’un soir, même si les Pistons champions en titre gardaient un œil sur lui.
Soirée portes ouvertes dans la défense des Nuggets, merci Paul Westhead
Pourtant, s’il y avait bien une équipe contre laquelle cela pouvait arriver, c’était bien les Nuggets. Coaché par le taré Paul Westhead, adepte du run-and-gun à outrance, la franchise de Denver plante à l’époque en moyenne près de 120 points par match. Problème, ils en prennent également plus de 130, et ce sur toute la saison régulière. Avant d’affronter le Magic, ils restent ainsi sur une « petite » défaite, 161-133, sur le parquet des Bullets de Washington, et s’avancent avec un roster décimé par les blessures. Ainsi, les shoots pleuvent dès que le moindre espace est ouvert, mais le problème c’est que pour défendre, c’est plus compliqué. Quand ça rentre, c’est tout bonus, mais quand ça ne rentre pas, ça offre un nombre illimité d’opportunités à l’adversaire. Quelques jours plus tôt, Larry Bird s’était ainsi fait plaisir en passant à deux rebonds d’un triple-double particulièrement sale…
C’est dans ce contexte d’attaque sans retenu que Skiles va enchaîner les passes. Passe après contact, à la fin d’un drive, sur pick’n’roll, à terre, pour un pote démarqué sous le cercle, à mi-distance, derrière l’arc, au poste. Tout y passe. La plupart du temps, il profite du tempo rapide imprimé par les Nuggets pour bonifier les contre-attaques en profitant du repli lent des hommes de Westhead. Au bout de trois quart-temps, le Magic mène 110-80. La rencontre est déjà pliée, et ce bon Scottie est alors à 24 caviars ! Ancien record de franchise explosé (19). Il devient surtout le premier joueur de l’histoire à atteindre un tel total après seulement trois actes. A ce moment-là, il n’est pas encore au courant de sa marche vers l’histoire. Ainsi, à côté de ses passes, ce bon Scott Skiles plante quelques pions pour finir la partie avec 22 unités à son compteur.
30 sur l’échelle de Richter
Le dernier quart est un blow-out mais cela n’empêche pas le Magic d’empiler les pions puisqu’ils passent 45 points à leur adversaire pour l’emporter finalement 155-116 ! Afin d’en arriver là, Skiles enfile les passes comme les perles. Tous ses partenaires ainsi que les 15 077 spectateurs de l’Orlando Arena sont au courant de la page d’histoire qui s’écrit sous leurs yeux. On entre dans la dernière minute, et Skiles est bloqué à 29 assistances.
Cela fait 44 minutes qu’il est sur le parquet, et alors qu’il reste seulement 25 secondes à jouer, il s’empare du ballon sur remise en jeu et court raidement dans le camp adverse. Les Nuggets n’y sont plus et défendent mollement (un peu comme d’habitude quoi). Il parvient ainsi à à trouver Jerry « Ice » Reynolds, seul sur la ligne à trois points. Sans aucune hésitation, l’arrière prend le tir en première intention. Le ballon effectue un arc de cercle très haut pour finalement retomber dans le panier. Les filets tremblent, et l’Orlando Arena explose. C’est officiel, Scott Skiles vient de rentrer dans l’histoire en devenant le premier joueur à distribuer 30 passes décisives dans un match ! 30 passes bordel !
https://www.youtube.com/watch?v=ZZ7h4F1H4Ko
« Un travail d’équipe »
Personne depuis n’a réussi à venir le déloger. Un seul gars s’est approché de lui, et grosse surprise, il s’agit de John Stockton. Le passeur le plus prolifique de tous les temps en a ainsi effectué 28…. Une vingtaine de jours plus tard. Sinon, il faut descendre à 25, performance réalisée par Kevin Johnson (1994), Jason Kidd (1996), et donc Rajon Rondo cette semaine. Vingt-sept années après, son record tient toujours alors que des passeurs fous sont passés derrière, mais sans jamais réussir à prendre autant feu sur une partie, on pense notamment à Jason Kidd, Steve Nash, Chris Paul, Gary Payton, Andre Miller…
Interviewé il y a deux ans à l’occasion des 25 ans de sa soirée caviar, Scott s’était épanché sur le moment le plus marquant de sa carrière, en toute modestie.
« De toute évidence, le record va être battu à un moment donné. Honnêtement, cela m’a rarement traversé l’esprit. Au fil des années, les gens qui tombaient sur moi ou me reconnaissaient à l’aéroport m’en parlaient, donc je sais que c’est attaché à moi. Je n’essaye pas de minimiser son importance, mais c’est un tel travail d’équipe. Si nous n’avions pas rentrer nos tirs cette nuit-là, il n’en serait rien. C’est vraiment un travail d’équipe contrairement à ce que Wilt (Chamberlain) pouvait dire pour ses 100 points., mais quelqu’un devait toujours lui donner la balle. C’est comme ça que je verrais toujours ce record. »