Doris Burke est sans discussion l’un des visages les plus importants de la NBA. Sa figure mais aussi sa voix sont indissociables de la grande ligue. Au fur et à mesure des années, elle s’est imposée dans cet univers pourtant si masculin, ouvrant ainsi en grand, la porte aux femmes dans ce métier. Son parcours est le symbole d’une femme qui a du énormément travailler et prouver pour en arriver là. Un parcours rempli de prix et de distinctions comme récompense de son travail. Pourtant, cette vocation n’était pas sa priorité plus jeune, elle qui préférait fouler les parquets et établir des records dans son sport de cœur.
Doris Burke (née Doris Sable), nait le 4 janvier 1965 à Long Island dans l’Etat de New York. Issu d’une famille modeste, elle est la cadette d’une fratrie de 8 enfants. Alors qu’elle est encore jeune, la famille déménage et quitte Long Island pour une maison dans le New Jersey afin de rapprocher son père de son lieu de travail. Ce dernier travaillait dans la construction et se levait très tôt tous les matins. C’est donc dans la ville de Manasquan que la famille s’installe et que Doris Burke va créer des premiers liens avec le basket. A quelques pas de leur nouvelle maison, se trouvait un terrain de basket. La proximité du playground avec son domicile va le faire devenir un des lieux privilégiés de la jeune fille. Elle raconte comment cela a été un moment charnière dans sa vie puisque c’est à cette période, dans cette ville et sur ce terrain qu’elle est tombée amoureuse du basket :
« L’amour du jeu est quelque chose que j’ai trouvé à Manasquan, New Jersey. J’ai ramassé ce ballon lorsque j’avais 7 ans et je ne l’ai pas posé depuis ce jour. »
Le playground est alors devenu son endroit favori. A l’époque, ses frères et sœurs ainés n’étaient pas souvent à la maison. Ils multipliaient les va et vient, si bien que la jeune fille se retrouvait souvent seule. Ce terrain et son ballon était aussi pour elle une échappatoire et un moyen de surmonter cette solitude.
« J’ai l’impression d’avoir vécu ma vie dans l’un des trois endroits suivants : Indian Hill Park, Manasquan ou à la plage. »
Son amour pour ce sport, elle l’a entretenu en intégrant l’équipe féminine de basket de son école : Manasquan High School. Elle occupait le poste de meneur de jeu. Puis c’est au collège, au Providence College, qu’elle a continué son parcours dans le basket. C’est à nouveau en tant que meneur qu’elle intègre l’équipe de l’établissement, les « Providence Friars ».
Pendant quatre ans, Doris Burke va porter les couleurs de cette équipe et ne va cesser d’impressionner. Dans la Big East Conference (une conférence qui participe à la division I de NCAA), la jeune fille marque les esprits. Le coach de l’équipe à l’époque, Dick Johnson, assurait ne pas avoir entrainé un tel phénomène en 25 ans de coaching. Ce qui impressionnait le plus, c’était sa capacité à marquer, passer et mener le jeu :
« Elle pouvait tout faire », Dick Johnson.
Ses performances étaient tellement impressionnantes, que la jeune Doris Burke attirait les observateurs et les scouts de tout le Nord-Est des Etats-Unis. Doris est encore plus entrée dans l’histoire lorsqu’elle est devenue la joueuse ayant délivré le plus de passes décisives de toute l’histoire de la Big East Conference (602 passes). Après quatre ans à Providence, elle est également entrée dans la légende de son équipe en devenant la meilleure passeuse de l’histoire avec 224 passes. Des années absolument formidables où la joueuse aura régalé par son talent. En 1999, elle a l’honneur d’intégrer le « Providence College Hall of Fame », ce qui faisait d’elle la cinquième femme honorée. En parallèle du basket, Doris Burke poursuit aussi ses études. Elle décroche un baccalauréat en administration des servies de santé et du travail social. Elle obtient ensuite une maitrise en éducation.
Après ce parcours universitaire dans le basket, Doris Burke s’est tournée vers le journalisme sportif. Pourtant quand on lui demande aujourd’hui si c’était un projet qu’elle entretenait depuis longtemps, la réponse est surprenante. En effet, la jeune fille n’avait aucune intention de poursuivre sa carrière dans le journalisme. Lorsqu’on lui demande de décrire son arrivée dans ce monde, elle évoque un « happy accident » (accident heureux). C’était donc pour elle quelque chose qu’elle n’avait pas envisagé. A l’époque, Doris Burke se décrivait comme une personne discrète, et timide pour qui la seule préoccupation était le basket. Sa priorité était d’améliorer son jeu. Elle disait qu’elle avait pour principal objectif « que son jumpshot arrive au niveau de sa capacité à driver » vers le basket. Si l’on veut résumer ses jeunes années, on peut uniquement évoquer le basket :
« Le seul endroit où je me sentais en confiance, c’était au milieu des quatre lignes d’un terrain de basket. »
Mais après son passage à « Providence College » de 1983 à 1987. C’est bel et bien dans journalisme et dans la diffusion du basket à la télévision et à la radio que Doris Burke poursuit son parcours. C’est en 1990 qu’elle commence en tant qu’analyste des équipes féminines de la Big East Conference pour le média « New England Sports Network ». Un an après, elle intègre ESPN, où elle commence à couvrir la WNBA mais plus particulièrement l’équipe féminine de New York, « New York Liberty ». A la télé comme à la radio, elle devient la voix référence de cette équipe sur la chaine « MSG Network ». Petit à petit, Doris Burke gravit les échelons dans le milieu. Après les équipes féminines du Big East, on lui confie cette fois-ci la couverture des matchs des équipes masculines du Big East dès 1996. Entre temps, elle travaille pour d’autres médias comme CBS Sports, pour Westwood One Radio, ainsi que pour des sites web en tant que rédactrice et pour des magazines de NBA (Eastern Basketball Magazine) en tant que chroniqueuse.
Les expériences se multiplient, Doris Burke apprend du métier et ses efforts sont récompensés en 2000 pour ce qui est un tournant dans sa carrière de journaliste. Elle devient alors la première femme à commenter à la radio et à la télévision un match des New York Knicks au Madison Square Garden. Un accomplissement pour elle, qui restera gravé dans sa mémoire :
« J’étais terrifiée, je me suis concentrée au maximum comme je le faisais d’habitude et j’ai bien préparer la rencontre. »
A partir de ce moment, Doris Burke s’est installée dans le paysage médiatique de la NBA. Pour la saison 2003 – 2004, ESPN utilise la journaliste beaucoup plus régulièrement pour couvrir les rencontres et l’actualité de la grande ligue. Elle a également l’honneur de recevoir un prix, le « USA Today Rudy Award ». Cette distinction, remise par le quotidien USA Today, récompense le meilleur nouveau visage dans le journalisme sportif. Un nouveau signe qui montre à quel point Doris Burke a marqué les esprits par son entrée dans cet univers.
Alors que Doris Burke continue son ascension, elle se voit confier l’une des missions les plus importantes dans l’univers de la NBA : la couverture des finales de conférence et des finales NBA. C’est vraiment chez ESPN et ABC que Doris Burke s’affirme une bonne fois pour toute comme une journaliste majeure de la NBA. Comme reconnaissance de ce statut qui est désormais le sien, elle signe en octobre 2013 une extension de contrat sur plusieurs années avec la chaine en tant que commentateur et broadcaster de NBA. Tim Corrigan, vide-président d’ESPN avait réagi à cette extension de contrat :
« Doris est reconnue et admirée à travers toute l’industrie médiatique et en NBA, pour sa capacité à éduquer, informer, divertir et enseigner le basket. Sa passion pour son métier, combiné à sa capacité à relier et construire une relation de confiance avec l’audience est inégalée dans le business. Doris est une star et nous sommes ravis de suivre sa carrière à ses côtés. »
Doris Burke est devenue incontournable dans la couverture de la NBA par la chaine. Quelque temps après, elle intègre l’émission « NBA Countdown », qui a lieu avant les matchs. Aux côtés de l’ancien joueur Jalen Rose et Avery Johnson, la journaliste prépare et analyse les rencontres prévues dans la journée. En 2017, elle est une analyste/journaliste totalement ancrée chez ESPN et couvre la saison NBA de A à Z.
L’année 2017 est d’autant plus belle pour elle, puisqu’elle reçoit le prix « Wise Women of the Year ». Cette distinction, décernée à des femmes uniquement, récompense l’impact des certaines femmes dans l’univers sur sport. Pour Doris Burke, ce prix signifie beaucoup et lui permet de se rendre compte du chemin parcouru et de ce qu’elle a accompli dans le monde du journalisme sportif. Parce que oui, ça n’a pas été facile pour elle de s’intégrer dans un univers aussi dominé par les hommes. Les remarques sexistes à son égard fleurissaient doucement dans le métier. Le fait qu’une femme présente une émission, commente un match de NBA, soit sur le parquet pour couvrir une rencontre, ne passait pas pour tout le monde. En 2008, le chroniqueur Bill Simmons avait eu des mots complètement déplacés à l’égard de Doris Burke :
« Comment ne pas écouter Doris Burke analyser les matchs de playoffs NBA sans se dire : « femme qui parle, femme qui parle, femme qui parle… » tout le temps ? »
Forcément, ce genre de propos étaient dur à encaisser pour la journaliste, mais ils étaient aussi à l’image de la difficulté qu’avaient les femmes à s’installer dans ce milieu :
« Ça me dérange de voir tous les commentaires sexistes et les jugements de valeur qui sont portés sur moi. Il y a juste beaucoup de laideur dans ces propos. », Doris Burke en 2015
Mais ces commentaires l’ont renforcé et ne l’ont pas découragé dans son projet de carrière. Au contraire, malgré ce genre d’épisodes qui auraient pu lui faire baisser les bras, Doris Burke s’en est servie pour en ressortir plus forte. C’est en partie elle qui a ouvert la voie aux femmes dans cet univers, mais c’est surtout elle qui a ouvert la possibilité de voir des femmes à des postes importants du milieu. En 2020, elle est notamment devenue la première femme à commenter les finales NBA sur ESPN Radio. Mais c’est surtout au bord du terrain qu’elle s’est le plus exercée. Lors des rencontres, elle était celle qui devait interviewer les coachs et les joueurs directement sur le parquet.
Doris Burke a occupé un des postes les plus prestigieux de la profession. En effet, lors des finales, elle avait comme devoir d’interviewer les joueurs/les stars qui venaient de remporter le titre. Ainsi, en 2016 avec Lebron James, en 2017 et 2018 avec Kevin Durant, c’est elle qui a eu les premières interviews. Elle se retrouvait alors au milieu du parquet, inondé entre les joueurs, les staffs, les cadreurs, la sécurité, les photographes et les journalistes et surtout devant des millions de téléspectateurs. Un moment unique pour elle dans sa carrière :
« Ce sont les moments les plus mémorables. Je veux bien faire mon travail. Je ne veux pas décevoir les fans et l’histoire. On est là pour documenter le talent de ces joueurs et leurs carrières. »
D’ailleurs pour elle, le fait qu’elle soit une femme, sur le parquet à effectuer ce travail, n’a pas été perçu bizarrement par les joueurs ou les entraineurs comme elle l’avait évoqué :
« La beauté du basket, c’est qu’à partir du moment où la conversation s’engage sur le jeu, les genres passent par la fenêtre. J’aime le basket, tu aimes le basket, les joueurs, les coachs le ressentent. On est lié par cet amour du jeu et rien d’autre n’interfère. »
L’apothéose a été pour elle l’année 2018, lorsqu’elle a reçu le « Curt Gowdy Media Award ». Cette récompense a été créée en 1990 et est décernée par le Basketball Hall of Fame aux journalistes. Doris Burke a ainsi intégré le panthéon du basket comme la meilleure journaliste sportive couvrant la NBA cette année-là. Ce qui fait d’elle la deuxième femme à recevoir ce prix après Jackie MacMullan.
On est revenu sur sa carrière dans les médias, à ESPN, ABC, CBS, mais Doris Burke ne s’est pas inscrite dans l’univers de la NBA uniquement à travers ces plateformes. Vous le savez sûrement si vous jouez un peu aux jeux vidéo, depuis 2010, la journaliste est présente dans le célèbre jeu « NBA2K ». En effet, elle y a fait son apparition dans l’édition « NBA2K11 » en tant que reporter bord terrain. Comme dans la vraie vie, Doris Burke se trouve sur le parquet, intervient avec le duo de commentateur, avec les journalistes et les consultants présents en plateau. Elle communique des informations sur les joueurs, sur les statistiques, comme lors d’un vrai match, tout est reproduit à l’identique. Par sa présence dans le jeu, elle associe d’autant plus sa voix et son image à la NBA. Aujourd’hui, elle est une des figures majeures de la grande ligue.
Mais alors pourquoi Doris Burke suscite-t-elle tant d’admiration ? Il y a plusieurs explications. D’abord, depuis le début de sa carrière, elle fait preuve d’un professionnalisme à toute épreuve. Elle l’avait d’ailleurs dit lorsqu’on lui avait demandé de donner des conseils à toutes les petites filles qui souhaitent se lancer comme elle :
« Je crois sincèrement qu’il faut tout le temps être au maximum professionnel dans son travail, il faut aussi être préparé au maximum. Il faut travailler. »
Sa force, c’est aussi de garder son calme et son sang froid dans des moments cruciaux comme lorsqu’une équipe gagne un titre. Il faut savoir se contenir pour bien réaliser son travail et que l’expérience des fans et du téléspectateurs soient le meilleur possible. Doris Burke s’est toujours donné à fond dans tout ce qu’elle a entreprit et cette rigueur est encore plus une marque de son professionnalisme :
« J’essaye de rendre mon travail le mieux possible. C’est mon objectif tous les soirs. »
Malgré tout, Doris Burke reste humaine et elle avait révélé dans le podcast du joueur du Heat, Duncan Robinson, qu’une fois, elle avait failli se laisser emporter par les émotions. C’était en 2016, lors de l’interview de Lebron James après avoir remporté le titre. Alors sur le parquet, Doris Burke s’est approchée du King pour commencer l’interview. Les émotions étaient telles, qu’elle l’a reconnu après, sa voix était toute tremblante.
Elle n’en reste pas moins une journaliste phare de la NBA. Aujourd’hui, elle est une figure majeure de la grande ligue. Jeff Van Gundy la présentait comme la « Lebron James d’ESPN » et qu’il « n’y avait pas meilleur qu’elle ». Doris Burke impose le respect et la reconnaissance des fans de NBA. Même Drake est tombé sous le charme de la journaliste. En 2018, le rappeur s’était présenté à une rencontre avec un t-shirt où il était inscrit « Woman crush everyday ». Un épisode qui avait beaucoup touché la journaliste qui voyait encore tous ses efforts récompensés par cette reconnaissance.
En plus d’être devenue une référence dans le journalisme féminin, Doris Burke se trouve être également une source d’inspiration pour la nouvelle génération. Son parcours et sa réussite ont été un modèle à suivre pour bon nombre de jeunes femmes journalistes. Aujourd’hui, cette génération, inspirée de Doris Burke, a intégré le milieu du journalisme en NBA à l’image de Malika Andrews, Cassidy Hubbarth, Ros Gold-Onwude, Kristen Ledlow ou encore Taylor Rooks. Par leur travail et leurs compétences, elles confirment ce qu’avait montré Doris Burke en intégrant ce milieu, cet univers appartient tout autant aux femmes qu’aux hommes.
Doris Burke est l’exemple même d’une femme qui n’a jamais voulu se poser de barrières. Que ça soit dans le basket universitaire ou dans le monde du journalisme sportif, de la NBA, elle ne s’est jamais découragée même si certaines choses paraissaient irréalisables. Son parcours à tout d’un parcours inspirant, notamment pour les jeunes filles qui voudraient s’investir dans ce milieu. Doris Burke se distingue aussi par son professionnalisme, par la quantité de travail qu’elle a engagé pour arriver là où elle est désormais : au panthéon du basket.
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