Alors qu’il prévoyait de jouer 20 saisons en NBA, c’est à l’issue d’une dernière saison à Charlotte, sa dix-huitième, que Tony Parker a annoncé son départ.
« Je vais prendre ma retraite. J’ai décidé que ne jouerai plus au basket [en NBA] ». La fin est certes moins grandiose que celles de Dwyane Wade et Dirk Nowitzki, mais sa carrière est elle exceptionnelle. Assuré d’être Hall of Famer, TP a marqué l’histoire de la NBA. 18 saisons dont 17 chez les Spurs, 4 titres NBA, 1 MVP des Finales, 1254 matchs joués, 19 000 points et 7000 passes décisives plus tard, Tony peut quitter la Ligue la tête haute. Très haute.
Bien entendu, si Tony arrête sa carrière de joueur, il restera à jamais lié au monde de la balle orange. Entre sa vie à San Antonio et son rôle de président de l’ASVEL, le basket restera toujours en lui. Et si physiquement il peut continuer, c’est mentalement que l’envie d’arrêter est venue, comme Tipi l’a expliqué à The Undefeated.
« Beaucoup de choses m’ont mené à cette décision. Mais à terme, si je ne suis plus Tony Parker, si je ne peux plus me battre pour gagner le titre, alors je ne veux plus continuer. »
Quand as-tu réalisé que tu ne pouvais plus être Tony Parker ?
La dernière saison a été très différente pour moi. J’ai passé un très bon moment à Charlotte. C’est très différent pour moi après 17 ans avec les Spurs, et c’est comme ça que je j’ai su que les temps avaient changé, et que j’étais devenu nostalgique.
En plus, être loin de la famille restée à San Antonio a joué aussi [dans la retraite], et j’en ai conclu qu’il était temps de passer à autre chose. J’ai eu beaucoup de bonnes choses dans ma vie, une famille magnifique, de beaux enfants, et je veux passer plus de temps avec eux.
Est-ce qu’il y a eu un match, un moment où tu t’es dit « OK, c’est bon j’arrête » ?
À la fin de la saison j’ai su que c’était le moment.
Comment es-tu parvenu à être en paix [avec la décision] ?
C’est marrant parce que ma famille plus que mes amis me disent « Allez, encore une, fais-en encore une. » Moi ? Ça fait un moment que je suis en paix avec cette décision, parce que je me suis préparé à ça, et parce qu’avec tout ce que je fais, les 2 équipes que je possède en France, et mon école qui ouvre en septembre, j’ai tellement à faire que j’ai toujours été en paix avec cette décision.
Quand ça viendra, je serai prêt à partir pour les jeunes. Le basket est fait pour les jeunes. C’est pour ça que j’ai compris très tôt qu’au moment de partir, je serai d’accord.
Il y a quelques années, tu étais catégorique, tu allais jouer 20 saisons. Qu’est-ce qui a changé depuis ?
Oui bien sûr, j’ai toujours voulu jouer 20 saisons, et je pense toujours que je peux le faire. J’ai passé une bonne saison chez les Hornets, et je suis en bonne santé. Mais en même temps, je ne vois pas de raison de jouer 20 saisons maintenant.
Quelle était la différence entre jouer avec les Spurs et les Hornets ?
Pendant 17 ans, à chaque saison que je démarrais avec les Spurs, je pensais vraiment qu’on avait une chance de gagner le championnat, et donc c’est bizarre d’arriver dans une équipe et de te dire « J’ai aucune chance de gagner le titre ». Et même si j’ai passé une super saison – les joueurs de Charlotte étaient géniaux et super sympas – au final je veux jouer au basket pour gagner, comme ça a été le cas avec l’équipe de France quand on se battait pour la médaille d’or ou les Spurs avec le championnat.
Et si je ne joue pas pour gagner le titre, pourquoi est-ce que je joue ? C’est pour ça que c’est mentalement différent pour moi, de me concentrer et de me motiver pour faire ce que j’aime, parce que je veux gagner quelque chose.
La NBA et ses fans ont pu dire au revoir à Dirk Nowitzki et Dwyane Wade cette année. Tu aurais aimé une saison d’au-revoir ?
Non, pas du tout. C’est marrant, parce que mon frère me l’a demandé. « Tu ne veux pas faire comme Dwyane et Dirk ? » Et j’ai répondu « Non, parce que je ne porte pas le maillot des Spurs ». Donc c’est différent pour moi. Dwyane l’a fait à Miami, Dirk était à Dallas, donc c’était une belle manière pour eux de finir leur carrière. Pour moi c’était différent parce que j’étais à Charlotte, donc je ne ressentais pas le besoin d’avoir à dire au revoir. Pour moi, ce sera quand mon maillot sera retiré [à San Antonio], ou quand je serai intronisé au Hall of Fame.
Que penses-tu de ta carrière et de ce que tu as fait ?
Je me sens très honoré d’avoir joué pour des grandes équipes, avec de grands coéquipiers, et un grand coach. Ce qu’on a vécu était très spécial. Et c’est marrant, parce que cette année à Charlotte, j’ai encore plus réalisé que ce que j’ai vécu [à San Antonio] était très, très spécial. On était tellement proche en tant que coéquipiers, et même aujourd’hui, il y a deux jours, je faisais du tennis avec Timmy et Manu. On parlait du bon vieux temps, et tu te rends compte à quel point c’était spécial. C’était 17 ans ensemble avec toutes les victoires, et être les meilleurs en terme de victoires dans l’histoire des Playoffs, le meilleur trio, tous les records. Je commence un peu à réaliser un peu tout ce qu’on a accompli.
Est-ce que les récents retraits de Tim Duncan et de Manu Ginóbili ont eu un impact sur toi ?
Ça a eu un peu d’influence, mais dans le même temps, je continuais de penser, comme je l’ai dit dans beaucoup d’interviews, que je jouerai 20 saisons avec les Spurs. Mais avoir parlé avec Timmy et Manu a aidé un peu, j’étais comme « OK, je suis prêt. Timmy et Manu ne jouent plus, ce n’est plus la même chose ».
Qu’on dit Tim et Manu quand tu leur a dit que tu prenais ta retraite ?
Ils disaient « Tu es sûr ? » Et j’étais genre « Oui, je suis sûr. » et du coups ils disaient « Si tu es sûr, je suis heureux pour toi. On a eu de supers moments et on a hâte de te battre au tennis et de passer plus de temps ensemble. »
Donc tu leur a dit pendant un match de tennis ?
Non, je leur ai dit au déjeuner. On a parlé au téléphone, et après on a joué au tennis, je leur ai dit après.
Comment on se souviendra de vous trois selon toi ?
On se souviendra toujours de nous ensemble. Mais c’était génial de partager ce moment avec eux. C’est incroyable. On venait de trois milieux différents, et on s’est réunis. Et voir le maillot de Timmy retiré, puis celui de Manu… c’était très émouvant d’aller voir le retrait du maillot de Manu, et tu repenses à tous les moments, et tu penses à ce que tu vas dire. C’était juste super de partager ce moment avec eux.
À quoi ressemblera le jour du retrait de ton maillot à ton avis ? Tu y as pensé ?
Non, du tout, je ne sais pas. Ça sera difficile à imaginer. Mais ça sera la dernière fois qu’on célèbrera le Big Three, donc j’espère que ce sera une nuit spéciale pour tout le monde.
Tu as parlé à Coach Popovich ?
Oui, j’ai parlé à Coach Popovich, je suis allé le voir.
Donc Pop n’a pas tenté de te trader pour te ramener à la maison ?
Pas du tout.
Comment était la conversation avec Michael Jordan, le propriétaire des Hornets, mais aussi une légende du basket ?
Elle était bonne. Il a compris. Tout le monde était heureux pour moi. Quand je l’ai dit à Coach Borrego, il était juste heureux pour moi parce que j’ai eu une belle carrière et que j’étais en bonne santé pendant la majorité de ma carrière. Et ils m’ont demandé « Tu es en paix avec cette décision ? » Et j’ai dit « oui, je suis en paix avec cette décision ». Je me sens vraiment bien, et je sais que le basket ne me manquera pas.
Comment tu te sens ?
Bien. Je peux facilement jouer 2 ans de plus, très facilement. Physiquement, je me sens très bien, et surtout avec le rôle que j’ai eu, celui d’être un backup, et comment James Borrego m’a géré. Je peux facilement jouer 2 ans de plus. Mais pour moi, je veux pas jouer juste pour jouer, et je ne veux jamais jouer ce basket-là. Je n’ai jamais joué au basket pour l’argent, et jamais joué au basket pour le fun. Je veux gagner.
Comment s’annonce ta retraite pour toi ?
Je vais être occupé. Mon équipe féminine à l’ASVEL vient de gagner, donc on celèbre notre premier titre. Chez les hommes, on va heureusement en Finales. L’ASVEL est à Lyon, la deuxième plus grande ville en France. Je suis propriétaire de l’équipe depuis 2014, c’est un grand projet, et on sera en EuroLigue l’année prochaine avec l’ASVEL.
Et mon académie ouvrira en septembre, donc ce sera mon école internationale. C’est ma manière de redonner à mon pays, de redonner à la jeune génération. Donc je suis vraiment, vraiment excité sur ce nouveau projet.
Cette académie, c’est une école de basket ?
Non, ça peut être n’importe quoi. N’importe qui peut venir dans cette école.
Est-ce que tu vas partir des États-Unis ?
Non, je vais vivre à San Antonio. On vit à San Antonio. Ce sera chez moi. Ce sera toujours chez moi. Donc je vais définitivement rester à San Antonio, et je vais juste voyager.
Que signifie San Antonio pour toi ?
C’est chez moi. Je suis arrivé à 19 ans et ils m’ont accueilli à bras ouverts. Ils m’ont traité comme leur fils, et ce sera toujours chez moi. C’est ma famille.
Et concernant les fans à San Antonio ?
J’aurai toujours de super souvenirs. Je me rappellerai toujours quand je suis revenu, le 14 janvier, avec les Hornets, c’était incroyable tout l’amour qu’ils m’ont montré, j’avais l’impression qu’ils me retiraient mon maillot. C’était incroyable. Je suis impatient de voir le jour où ça arrivera, pour les voir une autre fois et de célébrer ça. Je dis toujours qu’ils sont les meilleurs fans de la NBA, et on a gagné 4 titres ensemble et je m’en rappellerai toujours.
Après coup, tu es heureux d’avoir signé à Charlotte ou tu aurais aimé re-signer chez les Spurs ?
Non, je suis heureux d’avoir signé à Charlotte. C’était une super expérience. J’ai rencontré de super personnes, et j’ai vraiment apprécié que Michael, Mitch Kupchak et James Borrego me donnent cette opportunité. C’était un très bon moment. Les gars étaient géniaux. Donc non, je ne regrette pas, parce que je voulais vraiment jouer et de montrer que je pouvais toujours continuer. J’ai fait une bonne saison, j’étais en forme. Je ne regrette rien.
Et c’était marrant, dans un sens, j’ai senti que quand je suis allé à Charlotte, j’étais encore plus aimé à San Antonio.
Il n’y a pas beaucoup de personnes de couleur qui possèdent une équipe en NBA. Avec l’expérience que tu as eue en France, est-ce que tu t’imagines revenir en NBA en tant que GM ou président ?
C’est un rêve pour moi. Pour l’instant je me concentre pour l’ASVEL et je vis une super expérience. On construit une nouvelle salle, on sera en EuroLigue, et elle grandit très vite. Mais le but ultime serait d’être un jour propriétaire en NBA. Et je parle déjà avec différentes personnes, qui suivent ce que je fais en France.
J’ai vraiment de l’expérience, et j’aime ce que je fais. Ça me prend beaucoup de travail, mais j’adore ça. Mais peut-être qu’un jour, si l’opportunité se présente, et c’est vraiment quelque chose que je veux vraiment. Donc je vais juste patienter pour la bonne opportunité.
Qu’est-ce que ça fait d’être propriétaire d’une équipe de basket ?
J’adore ça. Je ne veux pas être que du côté du basket. J’aime le business derrière, le marketing, amener des personnes à la salle, travailler avec l’équipe numérique, et travailler sur comment on peut rendre l’expérience meilleur à la salle pour les fans et tous les trucs dans le genre.
Et j’adore le côté basket aussi : le scouting, trouver le bon jeune, par exemple, le meneur de mon équipe, Théo Maledon, qui sera un top 10 de Draft l’année prochaine. Il s’épanouit, et j’adore ça. Mais j’aime la vision globale de la chose.
En regardant derrière toi, passer du choix de Draft numéro 28 à un meneur titulaire d’une équipe quatre fois championne, tu aurais pu en rêver ? À quoi t’attendais-tu quand tu es arrivé dans la Ligue ?
Ma carrière était meilleure qu’aucun rêve que j’avais étant enfant. Quand je suis arrivé en NBA, je me disais « Si j’arrive à être un bon joueur, un bon backup, je serai heureux. » J’étais juste heureux d’être en NBA. Je n’ai jamais pensé être titulaire, ou être le plus jeune meneur titulaire de la NBA, ou le premier Européen MVP des Finales. Je n’ai jamais rêvé de ça.
Quel impact penses-tu avoir eu en France et en Europe ?
J’espère que j’ai eu un bel impact avec Dirk et Pau [Gasol]. Quand on est arrivés, ça a explosé. Maintenant on a plus de 80 internationaux, 12 Français en NBA. J’ai toujours pris sérieusement mon rôle d’ambassadeur pour le basket français.
Peux-tu expliquer la vie d’où tu venais ? Je pense que les personnes pensent que tu es né avec une cuillère d’argent dans la bouche parce que ton père était un joueur professionnel.
Les gens ne réalisent pas que j’ai grandi avec rien. On avait rien, et c’était dur. Mais je pense que c’est ce qui m’a donné de la motivation dans la vie parce que je veux que ma famille ait une meilleure vie. Et je pense que Pop l’a très vite vu l’a première fois qu’il m’a parlé. C’est pour ça que Pop était très dur avec moi, parce qu’il savait qu’il pouvait dépasser la ligne rouge, parce qu’il savait que je resterai motivé et je continuerai à avoir l’envie quoiqu’il arrive. Et il m’a tout jeté à la figure, et j’étais toujours, là, prêt à partir.
Quelle était la chose la plus dure à traverser en tant qu’enfant ?
Ne pas avoir à manger dans le frigo. Avoir des personne débarquer chez toi et te prendre la télé parce que t’as pas payé les factures à temps. Toutes ces choses restent dans la tête et tu t’en rappelles, et tu ne veux plus que ça t’arrive.
Quel est ton plus grand souvenir en tant que joueur ? Et ta plus grande déception ?
Mon plus grand souvenir ? Je dirai les 4 championnats évidemment, et la médaille d’or avec l’équipe de France, parce que c’était la première fois dans l’histoire de l’équipe de France qu’on gagnait une médaille d’or [à l’EuroBasket 2013].
Ma plus grande déception ? Je dirai le match 6 contre Miami en 2013. Et en sélection, je dirai 2005 contre la Grèce. On menait de 7 points à 40 secondes de la fin, et on a perdu. Ça aurait été – ça aurait pu être ma première médaille d’or en y réfléchissant. C’est mes 2 défaites les plus dures.
Tu peux parler un peu plus de la défaite face au Heat ?
Ouais, c’est douloureux. On est revenus en 2014 et on a gagné. On s’est rattrapés en soi. C’était sans doute une super opportunité de faire un back-to-back. Ça montre beaucoup de caractère, la manière dont on a perdu en 2013, et de revenir comme ça, de jouer la même équipe, et de simplement les éclater en 2014 en jouant du beau jeu.
Que peuvent apprendre les gens de la dynastie Spurs ?
Qu’on avait pas d’ego et que l’argent n’a pas affecté notre dynastie.
Qu’est-ce qui te manquera le plus ?
La victoire. Rien que la victoire. Ça ne vieillit pas, et c’est pour ça que c’est super de gagner avec mon équipe féminine, parce que c’est compliqué à expliquer ton ressenti en gagnant un championnat. En tant que joueur, c’était super d’envoyer un titre, et maintenant en tant que propriétaire, quand tu construis à partir de rien, je suis encore plus heureux pour elles. Ça n’a pas de prix de voir leurs visages. Mais ça ne vieillit jamais. Gagner des titres ne vieillit jamais.
Quelle est la chose que tu veux faire maintenant que tu es à la retraite et que tu ne pouvais pas faire en tant que joueur ?
Beaucoup de choses. Une des premières choses c’est de skier. Je veux skier.
Dans les Alpes ?
Oui, les Alpes Françaises, oui. Je veux skier.