Dear Kobe,
D’habitude le dimanche est le jour le plus chill pour moi. Premier League, Fire Emblem, NBA Sundays, je fais exactement la même chose depuis plus d’un an. Mais pas ce maudit 26 janvier 2020. J’étais et je suis toujours sonné, perdu, abattu. T’es le premier que je vois partir. Et je réalise toujours pas. Je veux pas réaliser, me dire que c’est terminé. Et pourtant, c’est paradoxal, j’ai l’impression de toujours t’avoir connu… alors même que je ne t’ai quasiment jamais vu.
Aussi loin que je me rappelle, la NBA n’est venue à moi que très tard. Mon premier vrai souvenir remonte au 25 juin 2013. Un dunk de Paul George sur Chris Andersen. Chirurgical, click-click, Birdman, this is your Kodak moment, Reggie Miller, on sait. Puis un autre. Le 18 janvier 2014. Toujours le même PG. Sur les Clippers cette fois. Et c’est ce jour là que j’ai connu Kobe Bryant. Monsieur Kobe Bryant. Quand Chris Denari a rappelé pourquoi PG24 était PG24 justement. Parce que c’était ton numéro. C’est comme ça que j’ai commencé le basket. C’est comme ça que j’ai commencé à supporter les Indiana Pacers. Et surtout, c’est comme ça que les présentations ont été faites. Avec toi. Sur un replay que j’ai trouvé en me baladant sur YouTube. Pourtant les gars de mon bahut me parlaient de toi. Moi ? Je m’en foutais. Ouais, Kobe Bryant a marqué au buzzer, c’est bien j’ai mangé une pomme, maintenant arrête de gueuler « KOBE ! » en jetant ta boulette de papier t’es ridicule. Si seulement. Si seulement je savais.
Si seulement je savais que les joueurs que je commençais à adorer, ce sont toi qui les as façonné. Toi, ta putain de Mamba Mentality. Parce qu’avant d’être un joueur fantastique, t’es un homme. Déterminé, bosseur, qui n’abandonne jamais. Quelqu’un qui n’a peur de rien, pas même de lui-même. L’échec ? Mieux vaut ne pas y penser, il ne doit pas exister. Cette doctrine, tu l’as toujours scandée, sur et en-dehors des terrains. Celle de ne jamais lâcher, de prendre en compte la douleur, de prendre en compte le doute… pour mieux les terrasser. Toujours, toujours, toujours rebondir, alors que tu venais de connaître le plus bas avec Team USA, alors que tu t’es rompu le tendon d’Achille. Même le plus dur ne t’a jamais freiné, puisque tu es double champion olympique et que t’as encore su finir à 22 points de moyenne. Un exemple de détermination pour moi, pour tous, y compris ceux qui découvrent le basket. Des jeunes, désormais orphelins. Une famille, celle du basket, blessée. Ta famille, dont j’ose à peine évoquer la douleur qu’ils doivent ressentir suite à ta perte toi, Gianna et bien sûr tous ceux qui ont perdu la vie dimanche. Un modèle. À tous les étages. Une référence, un grand parmi les grands. C’est ce que tu es, ce que tu seras toujours.
J’ai compris à quel point t’étais incroyable, à quel point je te méconnaissais quand j’ai regardé les Finales NBA 2000, alors que je commençais réellement à m’intéresser au basket et à Indiana en particulier. J’ai compris quand j’ai vu un gaillard avec une coupe afro emmerder Reggie au possible. J’ai compris que tu étais exceptionnel quand j’ai vu que la manière dont t’a sorti en 6 manches mon crew avec ton pote Shaq. Tu me dois une bague Kobe je veux rien savoir. J’ai compris que t’étais exceptionnel quand j’ai vu 2 heures de bonheur lors d’un match en 2006. Oui, je parle de tes 81 points. Même 14 ans après, ce match reste ahurissant pour moi. Et il le sera toujours. Comme ton palmarès. Tes 5 titres, ton MVP, tes All-NBA Teams. Tout. Tout chez toi respire la balle orange. Tout chez toi respire le succès. Tout chez toi suscite l’admiration. Et moi aussi j’ai fini par hurler comme un demeuré « KOBE ! » en balançant mes boulettes de papier. À mon tour. Peut-être que des gens n’ont pas compris. Sûrement. Peut-être qu’il vont finir par te découvrir. Sans aucun doute.
Et c’est en écrivant que je me suis rendu compte que je ne t’ai jamais vu jouer en direct. Autant LeBron, Stephen Curry, Kevin Durant et tous les autres me les brisent depuis 3 ans à éclater Indiana sans sommation à 2 heures du matin la tête dans le cul, autant toi, je ne t’ai pas vu, pas connu. Je ne t’ai jamais vu la nuit, j’ai pas BeIN, le League Pass est trop cher à 14 ans. Même le All-Star Game je l’ai raté. Sur 18 j’en ai pas vu un seul en live. Et ça me fait chier. J’ai raté un truc. Pas le moindre match. Je ne t’ai pas vu lâcher ton game-winner sur les Suns en 2006, je ne t’ai pas vu marquer ton 30 000ème point, je n’ai pas vu ton abnégation quand tu as rentré tes lancers francs alors que t’étais blessé. Je n’ai même pas vu ton dernier match face à Utah alors que t’as planté 60 points. Même la cérémonie du retrait de TES maillots je l’ai ratée, j’avais exam le lendemain. J’ai rien vu de toi en direct.
Et pourtant, même avec ça, même en ratant tous ces moments, ton influence sur moi est bien plus grande que je l’imaginais. Même avec ça, ton aura plane sur moi. Même avec ça, j’ai compris l’immense personne que tu étais. Je croyais que tu étais le héros d’une génération qui ne m’appartenait pas. Je me suis trompé. D’une certaine manière, d’une autre façon, tu es mon héros. Chacun d’entre nous a son Kobe, tu es le gardien de ma passion de ce sport qu’est le basket. Plus qu’un gardien, un garant, et tout simplement, la pierre inaugurale. Même à des kilomètres d’Indianapolis, même en ayant passé tes 20 ans en carrière aux Lakers. Tu as fait d’un petit con qui connait tout juste Air Jordan un fan accompli. Toi aussi, en quelque sorte, tu m’as façonné. D’une autre manière certes. Plus indirecte. Mais pourtant c’est un fait. Tu es à l’origine de pas mal de chose me concernant.